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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/424

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MÉPHISTOPHÉLA

dinaire elle dormait longuement, sans secousses, sans rêves même, en sa lourdeur de blonde un peu trop grasse. Peut-être un bruit dans la rue, un mouvement dans le lit l’avait tirée de son repos, ou bien quelque inquiétude, quoi donc ? Elle se tourna vers Sophor qui, tout à l’heure, après les baisers, avait fermé les yeux sur l’oreiller voisin.

Assise sur le lit, un coude au genou et le menton dans la main, Sophor se tenait immobile, tournée vers la fenêtre sans jour, comme si elle avait attendu un commencement de clarté à travers le rideau.

Lentement Céphise lui mit les bras au cou, l’attirant, voulant qu’elle se recouchât. Mais Sophor ne parut pas sentir cette caresse, resta sans mouvement. « Chère ! qu’as-tu donc ? à quoi penses-tu ? Tu ne souffres pas ? viens dormir. » Sophor ne répondit point. De ses doigts un peu crispés, où une sorte d’irritation semblait se retenir pour ne pas faire du mal, elle dénoua l’amicale étreinte, dont les bras retombèrent, étonnés. Et elle ne s’était pas détournée de la fenêtre obscure. Alors Céphise Ador se pencha en avant, autant qu’elle put, pour voir les yeux de son amie, pour y lire la pensée. Elle se redressa, presque effrayée, tant il y avait de douloureuse rêverie en ces yeux las.