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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/43

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MÉPHISTOPHÉLA

baisent pas exprès ! battement, seins contre seins, presque pas seins encore, de deux poitrines de qui la sexualité s’ignore, en un enlacement si pur, par qui pourtant sera moins doux et moins réalisateur des songes le rude corps-à-corps de la nuit nuptiale ! ô puériles délices des sens qui n’expérimentèrent pas les différences ! chasteté sacrée, quoique si amoureuse déjà, de l’amour avant l’amour ! désir non pas conscient, ni satisfait, redoublé en l’impossibilité, pas même soupçonnée pourtant, de sa réalisation ! Les vierges amies — celles à qui une pudeur parfaite ne permit pas une minute d’entrevoir l’ignominie du faute-de-mieux, — sont l’enchantement des poètes, contemplateurs attendris de vos adolescentes, ô Erinnas ! ô Saphos ! et l’épouvante des penseurs qui, sans avoir le droit d’une malédiction, — car, ces innocences, les maudire ! — considèrent la fin des choses humaines, et, après tant de stériles tendresses, l’inutilité, faute de cadavres, des cimetières.

Celles-ci, ces enfants, Sophie, Emmeline, s’aimaient si tendrement. Depuis toujours, pensaient-elles, depuis le commencement de vivre. Parce que la maison de Sophie, à Fontainebleau, était voisine de la maison d’Emmeline (une porte presque jamais fermée entre les deux jardins),