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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/430

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MÉPHISTOPHÉLA

pas vrai que tu en aimes une autre. Tu es trop bonne, ma chérie, pour aimer une autre femme que moi. Tu ne peux pas vouloir que je meure de désespoir, toute seule, dans quelque coin. Je suis coupable d’avoir imaginé cela, de t’avoir parlé avec colère. Mais, songe, j’ai une excuse. J’ai tant besoin de ta tendresse, pour m’y réfugier, pour ne pas songer aux mauvais propos qu’on tient sur mon compte, aux avanies qu’on me fait ! C’est terrible, je t’assure, quand tout le monde s’éloigne de vous ou vous dévisage avec des airs mauvais, de sentir moins aimant le seul être qui vous aimait. Et tu es si froide, si indifférente depuis quelque temps. C’est entendu, tu ne me trompes pas, tu ne songes pas à me tromper ! mais, enfin, tu conviendras que tu n’es plus tout à fait pareille à ma Sophor d’autrefois. Te rappelles-tu les trois semaines que nous avons passées l’hiver dernier, au bord de la mer, dans un hôtel où il n’y avait personne ? La maison était tellement enveloppée de vagues et de bourrasques, qu’elle tremblait et sonnait comme un navire ; nous nous aimions dans la tempête, comme en pleine mer ! Je ne crois pas que tu aurais plaisir, maintenant, à être toute seule avec moi, même dans un endroit qui ne serait pas sombre. Voilà ce qui m’irrite, m’agace les nerfs, me rend