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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/480

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MÉPHISTOPHÉLA

Pourquoi ne s’élançait-elle pas vers Emmeline si proche ?

Elle sortit très vite de la salle, traversa la place presque en courant, commença de grimper la jolie route fleurie. « En voilà une, pensa l’hôtelière sur le seuil de l’auberge, qui est pressée de revoir ses amis ; bien sûr, c’est une bonne nouvelle qu’elle leur apporte. » Sophor se hâtait de plus en plus. Dans tout le charme souriant dont l’enveloppait la nature printanière, il y avait pour elle la présence d’Emmeline ; ces couleurs, ces fraîcheurs, et le pur jour, et l’odeur des acacias et les gazouillis des oiseaux, c’était Emmeline ou le pressentiment d’Emmeline ; en marchant, elle cueillit une branche d’églantier tout épanouie, qu’elle baisa à pleine bouche, petite touffe de lèvres parfumées.

Elle s’arrêta.

D’abord, en l’excès de sa joie, elle n’avait pu réfléchir, se rendre compte, posément, des choses. Il fallait se tracer une ligne de conduite, raisonnable. Se faire annoncer, entrer, dire au baron d’Hermelinge : « C’est moi, je viens chercher votre sœur, faites-la prévenir que j’arrive, et que je l’emmène », rien de plus absurde. Il la chasserait, l’outragerait. Puis, il y avait, près du frère, le mari. Le mari ! Ces derniers temps, depuis que