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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/51

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MÉPHISTOPHÉLA

sons aux alentours s’éclairaient, avec des va-et-vient, derrière les rideaux, de gens qui s’habillent à la hâte, et il y eut de l’autre côté de la grille un bruit de pas sur les cailloux d’une allée.

La mère d’Emmeline s’avançait, une lampe en l’air, et l’écartant pour voir dans l’ombre devant elle.

— Sophie doit être chez vous ! cria Mme Luberti.

En reconnaissant son ennemie, la voisine, furieuse d’ailleurs de ce réveil nocturne, faillit s’en retourner, mais sa fille l’avait suivie, mignonne avec la nudité déjà grasse, sous un manteau qui ne tenait pas, de ses bras et de ses jambes. « Maman ! c’est Sophie que l’on cherche ! ah ! mon Dieu ! où est-elle ? » et la grille fut ouverte. Servantes, gens sortis des maisons, tout le monde se précipita dans le jardin ; on courait, on revenait, on s’interrogeait, et, tout à coup, Emmeline jeta un cri ! Là, sous sa propre fenêtre, sur la terre sèche et dure d’un massif, elle venait de voir Sophie en chemise, étendue, pareille, dans la pâleur de la toile, à un frêle cadavre à moitié enseveli ; et, mourant de peur et de joie, elle se laissa tomber le long de son amie. Alors, parmi le groupe des assistants rapprochés en demi-cercle, Sophie remua un peu, tendit les