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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/529

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MÉPHISTOPHÉLA

de sueur, cette odeur, toujours plus abondante, toujours plus tièdement fade, toujours plus écœurante. Sophor ne pouvait pas ne pas respirer l’arome, devenu puanteur, de ses anciens plaisirs, de ses récentes répulsions. L’eau froide, qui ruisselle et qui gerce délicieusement la peau, ne l’en délivrait pas, ni les fards, ni les poudres, ni les sachets qu’on met entre les batistes et les soies. Il émanait d’elle intarissablement, il lui demeurait inhérent comme le parfum à la fleur. Et elle le communiquait à tout ce qu’elle touchait. Elle le retrouvait dans ses robes, dans ses linges, dans le fauteuil où elle était assise ; il faisait, expiré d’elle, une buée sur la glace où elle se mirait. Elle en mangeait dans les viandes, elle en buvait avec son vin. C’était un horrible dégoût. Réalité, ou aberration ? quoi qu’il en fût, l’obsession de ce miasme était abominable. Et même dans les jardins, parmi la fraîcheur des arbres que remuent de saines brises, devant le vaste ciel, elle sentait l’insupportable odeur ! Souvent, si on lui offrait quelque bouquet, elle écartait les fleurs, et la main à la gorge, retenait une nausée. Elle aurait consenti à tous les supplices plutôt qu’à celui-là ! être déchirée, être labourée d’ongles de fer, avoir dans le cœur une pointe qui tourne, tourne, tourne encore, être rompue,