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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/55

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MÉPHISTOPHÉLA

par une éducation commune, elles s’unirent davantage. On ne les envoya pas dans un couvent ; la mère d’Emmeline et la mère de Sophie, l’une fort attachée pourtant aux bienséances religieuses, l’autre, personne assez bizarre, d’un passé obscur, très peu dévote et hasardant au dessert des plaisanteries d’un goût médiocre sur les choses sacrées, étaient tombées d’accord sur ce point qu’il faut garder les filles au logis. Les deux petites amies s’instruisirent aux mêmes livres, des mêmes maîtres, comme on mange à la même table ; leurs esprits se confortaient ensemble. D’ordinaire, les devoirs d’Emmeline, c’était Sophie, d’un esprit plus vif, qui les faisait. Et survinrent les exercices préparatoires de la première communion qui les emportèrent, mêlées, dans un idéal d’images saintes et d’encens.

Dès les premières leçons de catéchisme, elles se livrèrent aux délices de croire et de prier ; l’une avec une langueur de paresseuse descente, l’autre avec une ardeur d’élancement, Emmeline comme on glisse, Sophie, comme on se précipite ; si, dans leurs rêves pieux, elles ne furent pas séparées, ce fût que celle-ci entraînait celle-là. Destinée déjà manifeste en leurs très jeunes ans : Sophie serait toujours la dominatrice, Emmeline toujours l’obéissante. D’heure en heure