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Page:Mendès - Méphistophéla, 1890.djvu/556

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MÉPHISTOPHÉLA

l’étreignait-elle pas, en criant : « Ma fille ! » Elle avait espéré ce brusque essor de tendresse. Elle ne bougeait pas, l’observait. Elle ne la trouvait pas très jolie. Point laide cependant. Assez grande, au long buste, et maigre, pâlotte, avec des taches de rousseur sous les yeux. Mlle d’Hermelinge ressemblait un peu à ces fillettes, élevées par la miséricorde des communautés, qu’on rencontre dans les promenades. Et Sophor n’était pas plus émue que le jour où elle considéra fixement la nouvelle-née présentée par la sage-femme. Quoi donc ? était-elle à jamais incapable de connaître le maternel amour ? aucune tendresse ne s’éveillerait en elle pour l’être qu’elle avait enfanté ? Eh ! ce qui l’empêchait d’être émue, c’était la présence de la religieuse, et le froid de cette pièce, et aussi la timidité de Carola qui aurait dû lui sauter au cou. Aussi résolut-elle de s’éloigner tout de suite. Elle s’excusa d’un si bref séjour, prétexta la nécessité de rentrer sans retard à Paris, l’heure du train express ; quelques instants après, — elle n’avait pas même donné le temps de faire les malles de l’enfant — elle remontait dans le fiacre avec sa fille, jetait au cocher l’ordre de retourner à la gare, très vite. Dès qu’elles furent seules dans la voiture, elle saisit les deux mains