Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/34

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petite, je ne la couchai sans lui en avoir dit un auparavant [1]. Un soir que, selon sa coutume, elle était sur mes genoux pour entendre le conte que je lui racontais, la nuit nous surprit dans cette occupation et me contraignit de prendre de la lumière [2] pour la coucher. À mon grand étonnement, elle la vit sans surprise, cette nuit qui lui apparaissait pour la première fois ; mais elle ne la vit pas sans chagrin, et cela devait être, car la pauvre petite s’imaginait que nous ne nous trouvions dans l’obscurité que parce que le bon Dieu était malade, et que sa maman, pour l’empêcher d’entendre le bruit de la rue, qui lui aurait donné mal à la tête, avait été obligée de lui fermer ses contre-vents afin qu’il pût dormir, et que c’était ce qui nous empêchait de voir le jour et le soleil, qu’il avait chez lui. Je ne sais ce qui la rendait le plus triste, ou de la maladie du bon Dieu, ou de la crainte d’être privée long-temps du jour ; tout ce que je

    cesser d’être soumise au besoin de la nature, elle ne se fût, je crois, jamais réveillée.

  1. Jamais je ne plaçais de revenans dans les contes que je disais à Élisa : aussi ne fut-elle jamais l’esclave de la peur.
  2. Jusqu’au moment où la nuit apparut à Élisa, elle croyait que l’on ne se servait de la lumière que pour dire la messe, pour aller dans les caves et pour cacheter les lettres.