Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/540

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Je suis bien un Zégris ! Votre orgueil et vos haines
Avec ce noble sang, ont passé dans mes veines ;
Je ne puis, comme vous, sentir qu’avec fureur ;
Rien de paisible, ami, ne fut fait pour mon cœur.
Et pourtant, je ne sais quelle étrange puissance
Commandait à ma voix, qui portait la sentence ;
Le mot de mort, ce mot est resté dans mon sein,
Il n’a pu s’approcher de mes lèvres… Enfin,
Le croiras-tu ? dicté par un pouvoir suprême,
Surpris de cet arrêt que je portais moi-même,
Je l’ai cru prononcé par un autre que moi.

ALY.

(À part.)        (Haut.)
Le lâche ! Il en est temps ; tu le peux, venge-toi.

BOABDIL.

Non !

ALY.

          Quel effroi t’arrête ?

BOABDIL.

                                                  Ah ! devant ce scrupule,
Ignores-tu pourquoi ma vengeance recule ?

ALY.

Va, je ne sais que trop quel souvenir fatal
Combat ici ta haine et défend ton rival.
En butte trop long-temps aux refus d’une femme,
Tu voyais ton pouvoir s’arrêter à son âme ;
Ton amour, ta puissance en vain parlaient pour toi
Abenhamet aimé l’emportait sur son roi.
Enfin, de ton amour le destin fut complice ;
Du vaincu de Jaën s’apprêtait le supplice ;
Lorsque toi seul pouvais l’arracher à la mort,
Tu rendis son amante arbitre de son sort :