Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/551

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SÉIDE.

Non, de l’amour encor mon cœur sait se défendre.

ABENHAMET, repoussant la main de Séide.

Insensé ! je parlais à qui ne peut m’entendre !
Quoi ! tu n’as point aimé ? tu n’aimes pas, ami ?
Tu n’as donc pu jamais être heureux qu’à demi ?
Qu’Abenhamet te plaint de ton indifférence !

SÉIDE.

A-t-il donc pour me plaindre oublié sa souffrance ?
Mais, ami, laissons là ce que j’éprouve ou non,
Et si tu peux encore écouter la raison,
Si sa voix…

ABENHAMET.

                        Que dis-tu ? moi l’écouter, la suivre ?
Réponds-moi ; quand l’honneur, quand la gloire t’enivre,
Lorsque pour la chercher tu voles aux combats,
Si l’on venait te dire, en retenant tes pas,
Que t’offrant loin des camps un bonheur pur, tranquille,
La raison te rappelle… à ton cœur indocile,
Repoussant tout conseil, affermi dans son choix,
Vainement la raison ferait parler sa voix,
Tu ne l’entendrais pas. Eh bien ! tu peux m’en croire,
L’amour ne sait pas plus l’écouter que la gloire.
Quelles que soient, ami, celles que nous sentions,
Lorsque l’âme est ployée au joug des passions.
Quelques biens, quelques maux que l’on perde ou qu’on brave,
Le cœur sans réfléchir obéit en esclave.
Devant son objet seul tout fuit, tout disparaît ;
La passion commande, et la raison se tait.

SÉIDE.

Tu le prouves du moins… mais on s’approche… écoute,
On vient…