Page:Mercœur - Œuvres complètes, I, 1843.djvu/654

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gédie [1] et qui, douze ans après, vint se poser devant ta pensée comme au premier jour. Car, tu sais bien que l’an dernier, lorsque Ligier vint à Nantes donner des représentations, que tu me dis en lui voyant jouer Othello, frappée de la manière dont il rendait la scène de jalousie : « Je veux faire aussi moi une tragédie africaine dont le premier rôle sera pour Ligier ; mais je prendrai le sujet qui me plaisait tant étant enfant. » Alors tu arrangeas un plan pendant que l’on jouait la seconde pièce ; et lorsque nous fumes rentrées, tu fis quatre-vingts vers avant de te mettre au lit. Un sujet qui s’est si fortement gravé dans ton souvenir à l’âge où les sensations laissent si peu de traces et que les années n’ont pu effacer, mérite, selon moi, d’être examiné avec attention ; ainsi, ma chère enfant, réfléchis, crois-moi, sur l’avis que je te donne, pèses-en toutes les conséquences, et si tu te décides à traiter ce sujet, n’oublie pas surtout que tu as déjà quatre-vingts vers de faits qui trouveront place dans ta tragédie… » Un mois après ce que je viens de rapporter, Élisa achevait le se-

  1. Ce fut à l’âge de six ans qu’Élisa eut la pensée de faire une tragédie sur Boabdil, roi de Grenade, dont j’ai donné les détails dans les Mémoires qui sont en tête de ce volume.