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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/103

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momens. Livré à leurs embrassemens, il perdoit de vue l’image de la mort. Le prélat s’avança vers le peuple, & choisit ce moment pour faire un discours véhément & pathétique sur le danger des passions. Il étoit si beau, si vrai, si touchant, que tous les cœurs étoient saisis d’admiration & de terreur. Chacun se promettoit bien de veiller avec soin sur soi-même, & d’étoufer ces germes de ressentiment qui croissent à notre insçu, & qui forment bientôt la matiere des passions désordonnées.

Pendant ce tems un député du Sénat portoit la sentence de mort au Monarque, pour qu’il la signât de sa propre main. Personne ne pouvoit être mis à mort que par la volonté de celui en qui résidoit la puissance du glaive. Ce bon père auroit bien voulu sauver la vie à un infortuné[1] ; mais il sacrifia dans ce moment les plus chers désirs de son cœur à la nécessité d’une justice exemplaire.

Le député revint. Alors les cloches de la ville recommencerent leur son funèbre ; les tambours répéterent leur marche lugubre, & les gémissemens d’un peuple nombreux se

  1. Je suis fâché que nos Rois ayent renoncé à cette ancienne & sage coutume : ils signent tant de papiers ; pourquoi ont-ils renoncé au plus auguste privilège de leur couronne ?