Aller au contenu

Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le criminel fit un signe de tête, par lequel il signifioit qu’il se jugeoit digne de mort[1]. Il s’apprêta alors à la subir avec courage, & même avec cette décence qui, dans ce dernier moment, est le plus beau caractère de l’humanité[2]. Il cessa d’être traîté en coupable. Le cercle des pasteurs vint & l’environna. Le prélat lui donna le baiser de paix, & lui ôtant sa chemise ensanglantée le revêtit d’une tunique blanche, emblême de sa réconciliation avec les hommes. Ses parens, ses amis coururent à lui & l’embrasserent. Il parut consolé en recevant leurs caresses, en se voyant couvert de ce vêtement, gage du pardon qu’il recevoit de la patrie. Les témoignages de leur amitié lui déroboient l’horreur de ses derniers

    juge sévere, en prononçant la condamnation avec majesté, gémisse de ne pouvoir soustraire le criminel au supplice. Épouvanter le crime par le plus grand appareil de la justice, ménager en secret le coupable ; tels doivent être les deux pivots de la jurisprudence criminelle.

  1. Heureuse conscience, juge équitable & promt, ne t’éteins point dans mon être ! Apprends-moi que je ne puis porter aux hommes la moindre atteinte sans en recevoir le contre-coup, & qu’on se blesse toujours soi-même en blessant un autre.
  2. Agésilas voyant un malfaiteur endurer constamment le supplice : ah ! le méchant homme, dit-il, d’abuser ainsi de la vertu.