Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/110

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démonstrations de la plus grande allégresse, ils redevinrent hommes, d’esclaves qu’ils étoient.

Ces moines robustes[1], en qui sembloit revivre la santé des premiers âges du monde, le front vermeil d’amour & de joie, épousèrent ces colombes gémissantes, ces vierges pures, qui sous le voile monastique avoient soupiré plus d’une fois après un état un peu moins saint & plus doux[2]. Elles accom-

  1. Luther, tonnant avec son éloquence fougueuse contre les vœux monastiques, a avancé qu’il étoit aussi peu possible d’accomplir la loi de continence que de se dépouiller de son sexe.
  2. Quelle cruelle superstition enchaîne dans une prison sacrée tant de jeunes beautés qui recèlent tous les feux permis à leur sexe, que redouble encore une clôture éternelle, & jusqu’aux combats qu’elles se livrent. Pour bien sentir tous les maux d’un cœur qui se dévore lui-même, il faudroit être à sa place. Timide, confiante, abusée, étourdie par un enthousiasme pompeux, cette jeune fille a cru longtems que la Religion & son Dieu absorberoient toutes ses pensées : au milieu des transports de son zèle, la nature éveille dans son cœur ce pouvoir invincible qu’elle ne connoît pas & qui la soumet à son joug impérieux. Ces traits ignés portent le ravage dans ses sens : elle brûle dans le calme de la retraite ; elle combat, mais sa constance est vaincue : elle rougit & désire. Elle regarde autour d’elle, & se voit seule sous des barreaux insurmontables, tandis que tout son être se porte avec violence envers cet objet fantastique que son imagination allumée pare de nouveaux attraits. Dés ce moment