Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/131

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sont parties, ou bien elles retrogradent. C’est pour longtems qu’elles sont attachées sur les tristes bords du néant, qu’elles penchent vers la matiere, qu’elles forment une race animale & vile ; & tandis que les ames généreuses s’élancent vers la lumiere divine, éternelle, elles s’enfoncent dans ces ténebres où jaillit à peine un pâle rayon d’existence. Tel monarque à son décès devient taupe ; tel ministre, un serpent venimeux, habitant des marais empestés : tandis que l’écrivain qu’il dédaignoit ou plutôt qu’il méconnoissoit, a obtenu un rang glorieux parmi ces intelligences amies de l’humanité.

Pythagore avoit apperçu cette égalité des ames ; il avoit senti cette transmigration d’un corps à un autre ; mais ces ames tournoient sur le même cercle, & ne sortoient jamais de leur globe. Notre métempsycose est plus raisonnée, & supérieure à l’ancienne. Ces esprits nobles & généreux qui ont choisi pour guide de leur conduite le bonheur de leurs semblables, la mort leur ouvre une route glorieuse & brillante. Que pensez-vous de notre systême ? — Il me charme ; il ne contredit ni le pouvoir ni la bonté de Dieu. Cette marche progressive, cette ascension dans différens mondes, tout l’ouvrage de ses mains, cette visite de la création des globes, tout me paroit répondre à la dignité du monarque qui ouvre tous ses domaines à l’œil fait pour les contempler. — Oui,