Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/164

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comme nous n’avons pas cette quantité prodigieuse d’oisifs qui, comme des humeurs stagnantes, gênoient la circulation du corps politique, la paresse bannie, chaque individu connoît de doux loisirs, & aucune classe ne se trouve écrasée pour supporter l’autre.

Vous concevez donc que n’ayant ni moines, ni prêtres, ni domestiques nombreux, ni valets inutiles, ni ouvriers d’un luxe puéril, quelques heures de travail rapportent beaucoup au-delà des besoins publics ; elles fructifient en bonnes productions & de toute espèce : le superflu va trouver l’étranger, & nous rapporte de nouvelles denrées.

Voyez ces marchés abondamment pourvus de toutes les choses nécessaires à la vie, légumes, fruits, poissons, volailles. Les riches n’affament point ceux qui ne le sont pas. Loin de nous la crainte de ne point jouir suffisamment ! On ne connoît point cette insatiable avidité d’enlever trois fois plus qu’on ne peut consumer : le gaspillage est en horreur.

Si la nature, pendant une année, nous traite en marâtre, cette disette n’emporte point plusieurs milliers d’hommes ; les greniers s’ouvrent, & la sage prévoyance de l’homme a dompté l’inclémence des airs & le courroux du ciel. Une nourriture maigre, seche, mal préparée & de mauvais suc, n’entre point dans l’estomac des hommes les plus laborieux. L’opulent ne sépare point