Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/167

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ture nous a condamnés à manger la chair des animaux, du moins nous nous épargnons le spectacle du trépas. Le métier de boucher est exercé par des étrangers forcés de s’expatrier ; ils sont protégés par la loi, mais non rangés dans la classe des citoyens. Aucun de nous n’exerce cet art sanguinaire & cruel ; nous craindrions qu’il n’accoutumât insensiblement nos frères à perdre l’impression naturelle de commisération ; & la pitié, vous le savez, est le plus beau, le plus digne présent que nous ait fait la nature[1].

  1. Les Banianes ne mangent de rien de ce qui a eu vie, ils craignent même de tuer le moindre insecte ; ils jettent du riz & des féves dans la riviere pour nourrir les poissons, & des graines sur la terre pour nourrir les oiseaux. Quand ils rencontrent ou un chasseur ou un pêcheur, ils le prient instamment de se désister de son entreprise, & si on est sourd à leurs prières, ils offrent de l’argent pour le fusil & pour les filets, & quand on refuse leurs offres, ils troublent l’eau pour épouvanter les poissons, & crient de toute leur force pour faire fuir le gibier & les oiseaux. (Histoire des Voyages)