Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/180

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tre dès qu’ils ont eu des mœurs. Il est des préjugés dangereux, mais il en est d’utiles. De votre tems il faloit, sans doute, mettre un frein à la pente séduisante & dangereuse qui tournoit la jeunesse vers un métier dont le libertinage formoit la base : mais tout est changé. De sages réglemens, en les faisant sortir de l’oubli d’eux-mêmes, leur ont ouvert un retour à l’honneur ; ils sont entrés dans la classe des citoyens. Dernièrement notre prélat a prié le roi de donner le chapeau brodé à un comédien qui l’a touché singuliérement. — Quoi ! ce bon prélat va donc au spectacle ? — Pourquoi y manqueroit-il, puisque le théâtre est devenu une école de mœurs, de vertus & de sentimens ? On a écrit que le père des chrétiens, dans le temple de Dieu, s’amusait beaucoup à entendre les voix équivoques de malheureux privés de leur virilité. Nous n’avons jamais écouté de si déplorables accens qui affligent à la fois l’oreille & le cœur. Comment des hommes ont-ils pû se plaire à cette musique cruelle ? Il est bien plus permis, je pense, de voir jouer l’admirable tragédie de Mahomet, où le cœur d’un scélérat ambitieux est dévoilé, où les fureurs du fanatisme sont si énergiquement exprimées, qu’elles font frémir les ames simples ou peu éclairées qui y auroient quelque disposition.

Tenez, voilà le pasteur du quartier qui s’en retourne en raisonnant avec ses enfans