Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/181

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sur la tragédie de Calas. Il leur forme le goût, il éclaire leur esprit, il abhorre le fanatisme, & lorsqu’il songe à cette rage atrabilaire qui, comme une maladie épidémique, a désolé pendant douze siécles la moitié de l’Europe, il rend graces au ciel d’être arrivé plus tard au monde. Dans certains tems de l’année nous jouissons d’un plaisir qui vous étoit absolument inconnu : nous avons ressuscité l’art de la pantomime, si cher aux anciens. Combien d’organes la nature a donné à l’homme, & que de ressources a cet être intelligent pour exprimer & concevoir le nombre presque infini de ses sensations ! Tout est visage chez ces hommes éloquens ; ils nous parlent aussi clairement avec les doigts de la main que vous le pourriez faire avec la langue. Hypocrate disait jadis que le pouce seul de l’homme révéloit un Dieu ordonnateur. Nos habiles pantomimes annoncent de quelle magnificence un Dieu a voulu user en formant la tête humaine ! — Oh, je n’ai plus rien à dire ; tout est au mieux ! — Que dites-vous ? Il nous reste encore bien des choses à perfectionner. Nous sommes sortis de la barbarie où vous étiez plongés ; quelques têtes furent d’abord éclairées, mais la nation en gros étoit inconséquente & puérile. Peu à peu les esprits se sont formés. Il nous reste à faire plus que nous n’avons fait ; nous ne sommes guères qu’à la moitié de l’échelle :