Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/235

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regards du soleil, nourrissoit des arbres, dont les sommets élancés tantôt se croisoient dans les airs, tantôt laissoient de distance en distance quelques points entr’ouverts par où l’œil avide s’échappoit vers les cieux.

Je monte avec mon guide, j’apperçois çà & là de jolis hermitages, éloignés les uns des autres. Je demandai qui habitoit ces bosquets demi-sombres, demi-éclairés, dont l’aspect avoit quelque chose d’intéressant ? Vous ne tarderez pas à le savoir, me dit-on ; hâtez vous, l’heure approche. En effet je vis un grand nombre de personnes qui arrivoient de côté & d’autre, non en carrosse, mais à pied : leur conversation sembloit plus vive & plus animée. Nous entrâmes dans un édifice assez vaste, mais très-simplement décoré. Je n’apperçus aucun Suisse, armé d’une lourde hallebarde, à la porte du paisible sanctuaire des muses : rien ne m’empêcha de passer avec la foule des honnêtes gens[1].

La salle étoit fort sonore, de manière que la plus foible voix académique se faisoit distinctement entendre dans les points les plus éloignés. L’ordre qui régnoit dans les places n’étoit pas moins remarquable ; plusieurs

  1. J’ai toujours été très curieux d’envisager un grand homme, & j’ai cru reconnoître que le port, l’action, l’air de tête, la contenance, le regard, tout le distinguoit du commun des hommes. Il reste une science neuve à parcourir, l’étude de la physionomie.