Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/271

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et de fureur. D’autres devenoient enragés seulement à l’aspect d’une cocarde ou de quelques oboles. La guérison a dû être longue : mais j’avois presque deviné que tôt ou tard le baume calmant de la philosophie cicatriseroit ces playes honteuses[1].

On me fit entrer dans le cabinet de mathématiques : il me parut très-riche, & on ne peut pas mieux ordonné. On avoit banni de cette science tout ce qui ressembloit à des jeux d’enfans, tout ce qui n’étoit que spéculation séche, oisive, ou qui passoit les bornes de notre pouvoir. Je vis des machines de toute espèce faites pour soulager les bras de l’homme, douées de puissances beaucoup plus fortes que celles que nous connoissions. Elles produisoient toutes sortes de mouvemens. On se jouoit ainsi des plus pesans fardeaux. — Vous voyez, me dit-on, ces obélisques, ces arcs de triomphe, ces pa-

  1. Quel spectacle ! deux cens mille hommes répandus dans de vastes campagnes, & qui n’attendent que le signal pour s’égorger. Ils se massacrent à la face du soleil, sur les fleurs du printems. Ce n’est point la haine qui les anime : ce sont des rois qui leur ordonnent de mourir. Si ce cruel événement arrivoit pour la premiere fois, ceux qui n’en ont pas été témoins, ne seroient-ils pas en droit de le révoquer en doute. Cette pensée appartient à M. Gaillard.