Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/272

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lais, ces hardis monumens dont l’œil est étonné : ils ne sont point l’ouvrage de la force, du nombre & de la dextérité ; les instrumens, les leviers plus perfectionnés, voilà ce qui a tout fait. Je trouvai en effet & dans le plus grand détail les instrumens les plus exacts, soit pour la géométrie, soit pour l’astronomie, &c.

Tous ceux qui avoient tenté des expériences d’un genre neuf, hardi, étonnant, eussent-ils même échoué ? (car on ne s’instruit pas moins en ne réussissant pas) avoient leurs bustes en marbre environnés des attributs convenables.

Mais l’on me dit tout bas à l’oreille, que plusieurs secrets singuliers, merveilleux, n’étoient remis qu’entre les mains d’un petit nombre de sages ; qu’il étoit des choses bonnes par elles-mêmes, mais dont on pourroit abuser par la suite[1] : l’esprit humain, selon eux, n’étoit pas encore au terme où il devoit monter, pour faire usage sans risque des plus rares ou des plus puissantes découvertes[2].

  1. Le roi Ezechias (dit la Bible) fit supprimer un livre qui traitoit de la vertu des plantes, crainte qu’on n’en fît usage mal-à-propos.& que cela même n’engendrât des maladies. Ce fait est curieux & donne beaucoup à penser.
  2. Quel jour horrible & funeste au genre humain que celui ou un moine trouva dans le salpêtre une poudre meurtriere ! L’Arioste dit que le diable ayant imaginé une carabine, ému de pitié, la jetta au fond d’un fleure. Hélas ! il n’est plus d’asyle sur la terre : il n’est plus besoin de courage, il est inutile : le citoyen valeureux n’a rien à attendre de son bras. Le canon est remis entre les mains d’un petit nombre d’hommes ; le canon les rend propriétaires absolus de notre existence : & si par malheur ils venoient à s’entendre, que deviendrions-nous tous ?