Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/291

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dans toutes ses parties. On savoit estimer l’art qui reproduit tant d’images utiles ; on lui donnoit de nouvelles preuves de considération.

Je remarquai que tout se faisoit dans le vrai goût, qu’on suivoit la manière des Gerard, Audran ; qu’elle étoit même approfondie, perfectionnée. Les vignettes des livres ne s’appelloient plus que des cochins : tel étoit le mot que l’on avoit substitué à tant de mots misérables, tels que culs de lampes, &c.[1].

Les graveurs avoient enfin abandonné cette funeste loupe qui leur perdoit la vue de toute façon. Les amateurs de ce siécle n’étoient plus admirateurs de ces petits points ronds qui faisoient tout le mérite des gravures modernes ; ils donnoient la préférence à un travail large, précis, aisé, & disant tout avec quelques traits justes & noblement dessinés. Les graveurs consultoient docilement les peintres, & ceux-ci à leur tour se gardoient bien d’affecter les caprices d’un maître. Ils s’estimoient, ils se voyoient comme égaux & comme amis, & se donnoient bien de garde de rejetter l’un sur l’autre les défauts de l’ouvrage. D’ailleurs la gravure étoit devenue très-utile à l’état par le commerce d’estam-

  1. M. de Voltaire doit être satisfait d’avance, lui qui a plaidé si longtems pour cette réforme importante.