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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/301

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heurs des siécles passés ; nous n’avons pas été si imprudens. Socrate & Marc-Aurele seroient revenus au monde, que nous ne leur aurions pas confié le pouvoir arbitraire, non par défiance, mais dans la crainte d’avilir le caractère sacré d’homme libre. La loi n’est-elle pas l’expression de la volonté générale ; & comment confier à un seul homme un dépôt aussi important ? N’aura-t-il pas des momens de foiblesse, & quand il en seroit exemt, les hommes renonceront-ils à cette liberté qui est leur plus bel appanage[1] ?

    le souverain ou celui qui le représente, éclipse la société, la divise, devient un être unique & central, qui allume toutes les passions à son gré, & qui les met en jeu pour son intérêt personnel : il crée le juste & l’injuste ; son caprice devient loi, & sa faveur est la mesure de l’estime publique. Ce sistême est trop violent pour être durable. Mais la justice est une barriere qui protége également le sujet & le prince. La liberté peut seule former des citoyens généreux : la vérité en fait des êtres raisonnables. Un roi n’est puissant qu’à la tête d’une nation généreuse & contente. La nation une fois avilie, le trône s’affaisse.

  1. La liberté enfante des miracles, elle triomphe de la nature, elle fait croître les moissons sur les rochers, elle donne un air riant aux régions les plus tristes ; elle éclaire des pâtres & les rend plus pénétrans que les superbes esclaves des cours les plus ingénieuses. D’autres climats, qui font la gloire & le chef-d’œuvre de la création, livrés à la servitude, n’étalent