Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/311

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ser d’auprès du prince tous ceux qui inclineroient à l’irréligion, au libertinage, au mensonge, à l’art plus funeste de couvrir la vertu de ridicule[1]. On ne connoît plus aussi parmi nous cette classe d’hommes, qui sous le titre de noblesse (qui pour comble de ridicule étoit vénale,) accouroit ramper autour du trône, ne vouloit suivre que le métier des armes ou celui de courtisan, vivoit dans l’oisiveté, rassasioit son orgueil de vieux parchemins, & présentoit le déplorable spectacle d’une vanité égale à sa misère. Vos grenadiers versoient leur sang avec autant d’intrépidité que le plus noble d’entre eux, & ne le mettoient pas à si haut prix. D’ailleurs, une telle dénomination dans notre république auroit offensé les autres ordres de l’État. Les citoyens sont égaux : la seule distinction est celle que mettent naturellement entre les hommes la vertu, le génie & le travail[2].

  1. Je suis fort porté à croire que les souverains sont presque toujours les plus honnêtes gens de leur cour. Narcisse avoit l’ame encore plus noire que celle de Néron.
  2. Pourquoi les François ne pourroient-ils soutenir le gouvernement républicain ? Qui est-ce qui ignore en ce royaume les prééminences de la noblesse fondées sur l’institution même, confirmées par l’usage de plusieurs siécles ? Dès que sous le règne de Jean, le Tiers-État eut sorti de son avilis-