Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/359

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champ par lui-même, de porter la culture des terres au plus haut degré de perfection. Le monarque lui-même a plusieurs arpens qu’il fait cultiver sous ses yeux : & l’on ne connoit point cette classe de gens titrés dont l’oisiveté étoit l’unique emploi.

Le trafic étranger fut le vrai père de ce luxe destructeur, qui produisit à son tour l’épouvantable inégalité des fortunes, & qui fit passer dans les mains d’un petit nombre tout l’or de la nation. C’étoit parce qu’une femme devoit porter à ses oreilles le patrimoine de dix familles, que le paysan opprimé cessoit d’être propriétaire, vendoit le champ de ses pères, & fuyoit en pleurant le sol où il ne trouvoit plus que la misère & l’opprobre : car les monstres insatiables, qui accumuloient l’or, alloient jusqu’à mépriser les malheureux qu’ils avoient dépouillés[1]. Nous avons commencé par détrui-

  1. Je ris de pitié en voyant donner tant de beaux projets de politique sur l’agriculture & la population, tandis que les impôts plus énormes que jamais achèvent d’enlever au peuple le prix de sa sueur, & que les grains sont augmentés par le monopole de ceux qui ont entre leurs mains tout l’argent du royaume. Faut-il encore crier à ces oreilles superbes & endurcies : liberté entière, absolue du commerce & de la navigation, diminution d’impôts ; voilà les seuls moyens qui pourront nourrir le peuple & empêcher la plus prompte dépopulation