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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/361

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sur la côte de Guinée. Vous armiez le père contre le fils, & vous prétendiez au nom de chrétiens, au nom d’hommes. Aveugles & barbares ! vous ne l’avez que trop appris par une fatale expérience. La soif de l’or, exaltée dans tous les cœurs ; l’avidité, faisant disparoître l’aimable modération ; la justice & la vertu mises au rang des chimères ; l’avarice pâle, inquiète, sillonnant les déserts de l’océan, peuplant de cadavres le vaste fond des mers ; une race entière d’hommes vendus, achetés, traités comme les animaux de la plus vile espèce ; des rois devenus marchands, ensanglantant le globe pour le drapeau d’une frégate ; l’or enfin, sortant des mines du Pérou comme un fleuve brûlant, coulant en Europe pour dessécher partout sur son passage les racines du bonheur, & après avoir tourmenté, épuisé la race humaine, aller s’engloutir pour jamais dans les Indes, où la superstition enfouit d’un côté dans les entrailles de la terre ce que l’avarice en arrache de l’autre avec effort. Voilà le tableau fidèle des avantages que le commerce extérieur a produits au monde.

Nos vaisseaux ne font plus le tour du globe pour rapporter de la cochenille & de l’indigo. Savez-vous quelles sont nos mines ? quel est notre Pérou ? C’est le travail & l’industrie ? Tout ce qui sert à la commodité, à l’aisance, aux intentions directes de la nature, est encouragé avec le plus grand soin.