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QUATRE CENT QUARANTE.

ver des chevaux. Alors se sauvoit qui pouvoit.

Il n’est plus permis, me répondit-on, de faire de pareilles courses. De bonnes loix somptuaires ont réprimé ce luxe barbare, qui engraissoit un peuple de laquais & de chevaux[1]. Les favoris de la fortune ne connoissent plus cette mollesse coupable qui révoltoit l’œil du pauvre. Nos seigneurs font usage aujourd’hui de leurs jambes ; ils ont de l’argent de plus et la goutte de moins.

Vous voyez pourtant quelques voitures ; elles appartiennent à d’anciens magistrats, ou à des hommes distingués par leurs services et courbés sous le poids de l’âge. C’est à eux seuls qu’il est permis de rouler lentement sur ce pavé où le moindre citoyen est respecté ; s’ils avoient le malheur d’estropier un homme, ils descendroient à l’instant même de leur carosse pour l’y faire monter, & lui entretiendroient une voiture pour toute sa vie à leurs dépens.

Ce malheur n’arrive jamais. Les riches titrés sont des hommes estimables, qui ne

  1. On a comparé avec raison les sots opulens qui entretiennent une foule de valets à des cloportes, ils ont beaucoup de pieds, & leur marche est fort lente.