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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/39

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QUATRE CENT QUARANTE.


CHAPITRE VI.

Les chapeaux brodés.


Les choses me paroissent un peu changées, dis-je à mon guide ; je vois que tout le monde est vêtu d’une manière simple & modeste, & depuis que nous marchons je n’ai pas encore rencontré sur mon chemin un seul habit doré : je n’ai distingué ni galons, ni manchettes à dentelles. De mon tems un luxe puéril & ruineux avoit dérangé toutes les cervelles ; un corps sans ame étoit surchargé de dorure, et l’automate alors ressembloit à un homme. — C’est justement ce qui nous a portés à mépriser cette ancienne livrée de l’orgueil. Notre œil ne s’arrête point à la surface. Lorsqu’un homme s’est fait connoitre pour avoir excellé dans son art, il n’a pas besoin d’un habit magnifique ni d’un riche ameublement pour faire passer son mérite ; il n’a besoin ni d’admirateurs qui le prônent, ni de protecteurs qui l’étayent : ses actions parlent, & chaque citoyen s’intéresse à demander pour lui la récompense qu’elles méritent. Ceux qui courent la même carrière que lui sont les premiers à solliciter en sa faveur. Chacun dresse un placet, où sont peints dans tout leur jour les services qu’il a rendus à l’État.