Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
L’AN DEUX MILLE

Le Monarque ne manque point d’inviter à sa cour cet homme cher au peuple. Il converse avec lui pour s’instruire ; car il ne pense pas que l’esprit de sagesse soit inné en lui. Il met à profit les leçons lumineuses de celui qui a pris quelque grand objet pour but principal de ses méditations. Il lui fait présent d’un chapeau où son nom est brodé ; & cette distinction vaut bien celle des rubans bleus, rouges et jaunes, qui chamaroient jadis des hommes absolument inconnus à la patrie[1].

Vous pensez bien qu’un nom infame n’oseroit se montrer devant un public dont le regard le démentiroit. Quiconque porte un de ces chapeaux honorables peut passer partout ; en tout tems il a un libre accès au pied du trône, & c’est une loi fondamentale. Ainsi, lorsqu’un prince ou un duc n’ont rien fait pour faire broder leur nom, ils jouissent de leurs richesses ; mais ils n’ont aucune marque d’honneur ; on les

  1. Chez les anciens la vanité des hommes consistoit à tirer leur origine des Dieux ; on faisoit tous ses efforts pour être neveu de Neptune, petit-fils de Vénus, cousin-germain de Mars : d’autres, plus modestes, se contentoient de descendre d’un fleuve, d’une nymphe, d’une nayade. Nos fous modernes ont une extravagance plus triste ; ils cherchent à descendre, non d’ayeux célèbres, mais bien anciennement obscurs.