Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/395

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& à la raison, depuis les rives de la Save & du Danube jusques sur les bords de l’ancien Tanaïs, furent brisés par un peuple du Nord avec la main de fer qui les soutenoit. La philosophie reparut dans son premier sanctuaire, & la patrie des Themistocles & des Miltiades embrassa de nouveau la statue de la liberté. Elle s’éleva aussi fiere & aussi grande que sous les beaux jours où elle brilloit avec tant d’éclat. Elle s’étendit dans son ancien domaine, & l’on ne vit plus un Sardanapale, dormant du sommeil de la barbarie entre un visir & un cordeau, tandis que ses vastes États languissans & dépouillés étoient plongés dans le sommeil de la mort.

Le souffle vivifiant de la liberté les anime aujourd’hui. C’est un esprit créateur qui opère des prodiges inconnus aux nations esclaves. Les États du Grand Seigneur furent d’abord le partage de ses voisins ; mais deux siecles après ils ont formé une République que le commerce rend florissante & formidable.

On a donné un bal masqué où étoit jadis le serrail. On y a servi les vins les plus exquis, & toutes sortes de rafraîchissemens, avec une profusion qui ne déroboit rien à l’extrême délicatesse. Le lendemain on a représenté la tragédie de Mahomet dans la salle de spectacle, bâtie sur les débris de l’ancienne mosquée dite Ste Sophie.