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L’AN DEUX MILLE

Nos Rois après leur mort ne levent pas ce dernier tribut qui, dans votre siécle, fatiguoit le citoyen déja épuisé.

Je vis avec beaucoup de satisfaction qu’on avoit ôté ces esclaves enchaînés[1] aux pieds des statues de nos Rois, qu’on avoit effacé toute inscription fastueuse, & quoique cette grossiere flatterie soit la moins dangereuse de toutes, on avoit écarté soigneusement la moindre apparence de mensonge & d’orgueil.

On me dit que la Bastille avoit été renversée de fond en comble, par un Prince qui ne se croyoit pas le Dieu des hommes, et qui craignoit le Juge des Rois ; que sur les débris de cet affreux château, si bien appellé le palais de la vengeance, (& d’une vengeance royale) on avoit élevé un temple à la Clémence : qu’aucun citoyen ne disparoissoit de la société sans que son procès ne lui fût fait publiquement ; & que les lettres de cachet étoient un nom inconnu au peuple : que ce nom n’exerçoit plus que l’infatigable érudition de ceux qui perçoient dans la nuit des tems barbares ; on avoit compo-

  1. Louis XIV disoit que de tous les gouvernements du monde celui du Grand Turc lui plaisoit davantage. On ne pouvoit être à la fois, plus orgueilleux & plus ignorant.