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QUATRE CENT QUARANTE.

dre, doit être nommé encore avec éloge parmi vous : on lit parmi ses belles ordonnances celle d’avoir défendu ces extravagantes & lourdes enseignes, qui défiguroient la ville & menaçoient les passans ; d’avoir perfectionné, pour ne pas dire créé, le luminaire ; d’avoir mis un plan admirable dans le secours promt des pompes, & d’avoir préservé par ce moyen les citoyens de plusieurs incendies, autrefois si fréquens.

Oui, me répondit-on, ce Magistrat étoit un homme infatigable, habile à remplir ses devoirs, tout étendus qu’ils étoient ; mais la police n’avoit pas encore reçu toute sa perfection. L’espionage étoit la principale ressource d’un gouvernement foible, inquiet, minutieux. Il y entroit le plus souvent une curiosité méchante, plutôt qu’un but bien déterminé d’utilité publique. Tous ces secrets adroitement volés portoient souvent une lumiere fausse qui égaroit le magistrat. D’ailleurs cette armée de délateurs qu’on avoit séduits à prix d’argent, formoit une masse corrompue qui infectoit la société[1]. Adieu toutes ses douceurs. Il n’étoit plus d’épanchement de cœur : on étoit réduit à la cruelle alternative d’être

  1. Tout cet amas de réglemens frivoles, bizarres ; toute cette police si recherchée n’est propre à en imposer qu’à ceux qui n’ont jamais médité sur le cœur de l’homme. Cette sevérité déplacée produit une subordination odieuse, donc les liens sont mal assurés.