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Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/60

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L’AN DEUX MILLE

imprudent ou hypocrite. Envain l’ame s’élançoit vers des idées patriotiques : elle ne pouvoit se livrer à sa sensibilité ; elle appercevoit le piege, & retomboit tristement sur elle-même, solitaire & froide. Enfin il falloit déguiser sans cesse son front, son geste, sa voix. Eh ! quel tourment n’étoit-ce pas pour l’homme généreux qui voyoit les monstres de la patrie sourire en égorgeant qui les voyoit & n’osoit les nommer[1].

CHAPITRE X.

L’homme au masque.


Mais quel est, s’il vous plaît, cet homme que je vois passer un masque sur le visage ? Comme il marche précipitamment : il semble fuir. — C’est un auteur qui a écrit

  1. Nous n’avons pas encore eu un Juvenal. Eh ? quel siecle l’a mieux mérité ? Juvenal n’étoit pas un satyrique égoïste, comme ce flatteur d’Horace & ce plat Boileau. C’étoit une ame forte, profondement indignée du vice, lui livrant la guerre, le poursuivant sous la pourpre. Qui osera se saisir de cet emploi sublime & généreux ? Qui sera assez courageux pour rendre l’ame avec la vérité, & dire à son siecle : Je te laisse le testament que m’a dicté la vertu, lis & rougis : c’est ainsi que je te fais mes adieux.