Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/96

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gée, ne nous épouvantent plus que dans l’histoire des derniers siécles.

Venez, courez avec moi à la voix de la Justice, qui apelle tout le peuple pour être témoin de ses arrêts formidables. C’est le jour de son triomphe, & tout funeste qu’il est, nous ne pouvons qu’y aplaudir. Vous ne verrez point un malheureux plongé depuis six mois dans les cachots, les yeux éblouïs de la lumiere du soleil, les os brisés par un supplice préliminaire & obscur[1], plus horrible que celui qu’il va subir, s’avancer hideux & mourant vers un échafaud dressé dans une petite place. De votre tems, le criminel jugé sous le secret des guichets, étoit quelquefois roué dans le silence des nuits, à la porte du citoyen qui dormoit, & qui s’éveilloit en sursaut aux cris lamentables du patient ; incertain si le malheureux

  1. Malheur à l’État qui rafine les loix pénales. La mort ne suffit-elle pas, & pouvoit-on penser que l’homme ajouteroit à son horreur ? Qu’est-ce qu’un magistrat qui interroge avec des leviers, & qui écrase à loisir un malheureux sous la progression lente & graduée des plus horribles douleurs ; qui, ingénieux dans les tortures, arrête la mort, lorsque douce & charitable elle s’avançoit pour délivrer la victime ? Ici le sentiment se révolte. Mais s’il faut raisonner l’inutilité de la question, voyez l’admirable Traité des délits & des peines ; je défie qu’on réponde quelque chose de solide en faveur de cette loi barbare.