Page:Mercier - L’An deux mille quatre cent quarante.djvu/98

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cette marque effrayante qu’une main divine imprime sur le front d’un meurtrier ? La tempête du remords s’y peint en caractères visibles ; & l’œil accoutumé au visage de la vertu distingueroit sans peine la physionomie du crime. Comment, enfin, le malheureux respireroit-il librement sous le poids immense qui pese sur son cœur !

Nous arrivâmes à une place spacieuse, qui environnoit les marches du palais de la Justice. Un large perron régnoit en face de la salle des audiences. C’étoit sur cette espèce d’amphithéâtre que le Sénat s’assembloit dans les affaires publiques, en présence du peuple ; c’étoit sous ses yeux qu’il se plaisoit à traîter des grands intérêts de la patrie. La multitude des citoyens assemblés leur inspiroit des pensées dignes de la cause auguste remise entre leurs mains. La mort d’un homme étoit une calamité pour l’État. Les juges ne manquoient pas de donner à ce jugement tout l’appareil, toute l’importance qu’il mérite. L’ordre des avocats étoit d’un côté, tout prêt à parler pour l’innocent, à se taire pour le coupable. De l’autre, le prélat, accom-

    tés puérils, ne pourroit-on pas stipuler que le meurtrier ne trouveroit nulle part aucun asyle ? Tous les États & tous les hommes ne sont-ils pas intéressés à poursuivre un homicide ? Mais les monarques s’accordent plutôt sur la destruction des jésuites.