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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/100

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réflexions sur l’épouvantable scène qui venait d’avoir lieu, et sur le sort probable réservé à Mamrie. Pélasge s’arrêta au milieu d’une phrase : il lui semblait entendre, malgré le tapage des arbres, des clameurs dans le lointain. Nogolka écouta aussi. Des cris arrivèrent distinctement jusqu’à eux. Ils aperçurent plusieurs nègres qui venaient du fleuve, en courant et en donnant des signes d’alarme. Salvador, qui causait avec sa mère sur la galerie d’en bas, alla au-devant des nègres, pour s’informer de ce qui se passait. On lui raconta que Démon s’était emparé du petit esquif, pour traverser le fleuve ; que surpris par le coup de vent, et emporté tantôt par le courant, tantôt par les contre-courants, tout ce qu’il pouvait faire maintenant était de lutter encore un peu contre les grosses vagues qui l’enveloppaient de toutes parts, et qui, infailliblement, allaient l’engloutir.

Aux cris des nègres, Saint-Ybars avait ouvert une porte. Salvador lui annonça l’affreuse nouvelle.

« Mon enfant est perdu, et j’en suis la cause, s’écria Saint-Ybars désespéré ; c’est Dieu qui me punit.

« Allons, Saint-Ybars, dit Salvador, laissez-là cette idée malheureuse d’un Dieu se vengeant du père sur le fils innocent. Allons, soyons des hommes ; volons au secours de l’enfant. »

« Tu as raison, Salvador ; fais seller Castor et Pollux. »

Castor et Pollux étaient les deux meilleurs chevaux de l’habitation. En quelques minutes, ils furent prêts. Saint-Ybars et Salvador prirent le chemin des charrettes. Peu après eux, un tilbury emportait Pélasge et Sémiramis.

Mme Saint-Ybars avait une sœur veuve, dont l’habitation était située de l’autre côté du fleuve. Cette dame avait toujours témoigné une grande affection aux enfants de Saint-Ybars, surtout à Démon et à Chant-d’Oisel. Démon, dans son désespoir et son humiliation, avait résolu de fuir pour toujours la maison paternelle, et de demander un asile à sa tante. Il avait sauté dans un petit esquif fait pour être manœuvré par un seul homme, et, sans s’inquiéter de l’état du temps, il avait gagné le large.