Aller au contenu

Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

famille naguère si agitée et ensuite si attristée. Blanchette, par la gentillesse de son caractère, s’était attiré les bonnes grâces de tous ; chacun voulait avoir une part de ses caresses. Saint-Ybars, qui ne faisait jamais les choses à demi, s’était pris pour elle d’une vraie passion de père jaloux. Il voulait que le premier baiser matinal et la première pensée de Blanchette fussent pour lui. La petite négresse qui la gardait avait reçu l’ordre, dès qu’elle lui voyait ouvrir les yeux, de lui dire : « Allons voir papa Saint-Ybars. Chose à laquelle personne ne s’attendait, Blanchette opéra une sorte de réconciliation entre le maître et la maîtresse de la maison. Dès que Mme Saint-Ybars avait vu poindre l’affection de son mari pour Blanchette, elle s’était appliquée à le faire aimer de l’enfant, et Saint-Ybars lui en avait su gré.

Chant-d’Oisel prenait, à l’égard de Blanchette, son rôle de petite mère très au sérieux. C’était elle qui faisait ses vêtements, elle qui s’occupait de sa toilette, elle qui l’emmenait à la promenade. Au repas, Blanchette était assise à côté de sa marraine qui lui apprenait à manger proprement. Chant-d’Oisel faisait déjà de beaux projets d’éducation pour Blanchette : M. Pélasge serait son professeur de français, de géographie et d’histoire ; sa marraine lui enseignerait l’anglais et la musique.

Tout allait donc bien. On avait reçu plusieurs fois des nouvelles de Démon. Il était à Paris, confié à un ami de la famille de Pélasge, M. Adolphe Garnier, homme doux et d’une haute raison, aussi modeste qu’instruit, alors professeur de philosophie à la Sorbonne. Dans les premiers temps la tristesse persistante de Démon lui avait fait peur ; il s’était demandé s’il ne déclinerait pas la responsabilité de diriger, dans ses études, ce jeune garçon dégoûté de toutes choses, ennuyé de vivre, bon et poli sans doute mais d’une taciturnité désespérante, travaillant pour l’acquit de sa conscience, et dont la santé d’ailleurs devenait de plus en plus vacillante. Heureusement, Démon avait fini par sentir l’influence bienfaisante du milieu dans lequel il