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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/128

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du sachem, avaient demandé à parler à Saint-Ybars. L’indien dit qu’il savait où était la jeune fille partie marronne, et que si Saint-Ybars promettait de lui pardonner, elle reviendrait. Saint-Ybars donna sa parole. Alors, l’indienne demanda des vêtements pour Titia ; on lui en donna. Quinze jours après, la fugitive rentrait. M. de Lauzun la trouva plus belle que jamais ; il lui en fit son compliment, dans un langage pompeux emprunté de M. le vicomte d’Arlincourt, son auteur favori pour le style.

Titia reprit ses fonctions de femme de chambre auprès de Chant-d’Oisel ; en outre, elle remplaça la petite négresse qui servait de gardienne à Blanchette.

M. de Lauzun recommença à importuner Titia de ses déclarations. Ses effusions de tendresse restant sans résultat, il offrit des bijoux ; ils furent refusés avec dédain. M. le duc, blessé dans son amour-propre, considéra dès lors sa passion pour Titia comme une partie d’honneur, engagée par lui contre la bégueulerie d’une esclave qui croyait être quelque chose parce qu’elle avait la peau blanche.

« Ah ! elle ne veut pas se laisser prendre par la douceur, se dit-il ; eh bien ! je la prendrai par la terreur. »

Cette idée une fois bien enracinée dans sa tête, il épia l’occasion.

M. le duc n’écoutait pas seulement aux portes ; il regardait par le trou des serrures ; il ramassait tous les petits morceaux de papier écrit ; se blottissant dans les coins sombres, il guettait comme un chat. Il avait un cahier sur lequel il prenait note de tout, ne laissant pas passer l’incident en apparence le plus futile. Les jeunes dames de la maison eussent été étonnées et non moins effrayées, en lisant cette espèce de journal, de voir combien le petit polisson était exactement renseigné sur les particularités de leurs personnes.

Dans une de ses explorations, M. de Lauzun s’arrêta devant la chambre de Chant-d’Oisel, et regarda par la serrure. Titia était seule avec Blanchette. Agenouillée devant un lit de repos, sur lequel la petite était assise, elle la dévorait de caresses. M. de Lauzun n’avait jamais vu