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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/136

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CHAPITRE XXVIII

Remords d’un poltron



La mort de Titia fut attribuée à un accident. On fut d’autant plus porté le croire, que peu de temps auparavant une négresse, en se penchant trop dans le puits, pour tirer de l’eau, y était tombée.

Mamrie, aidée de Lagniape, fit la dernière toilette à Titia. En lui ôtant ses vêtements mouillés, elles s’aperçurent que sa chemise était cousue entre les jambes. Cette circonstance les fit réfléchir ; elles y virent une précaution dictée par un sentiment de pudeur, et dès lors il devint évident pour elles que Titia s’était ôté volontairement la vie.

Mamrie expliqua naïvement cet acte de désespoir.

« Titia té tro blanche, dit-elle, pou ain nesclave ; ça té fé li si tan onte que li préféré mouri. »

Lagniape n’accepta pas cette explication ; mais elle n’en dit rien à Mamrie. Elle se sentait incapable, pour le moment, de chercher la vraie cause d’un malheur si inattendu ; elle était frappée de stupeur, elle eût vainement creusé son esprit. Elle perdait en Titia le seul être qui l’aimât d’une affection dévouée, elle misérable difforme. Elle se sentit si isolée dans le monde qu’elle eût volontiers imploré la mort, si elle n’avait pensé à Blanchette. Elle devait vivre pour veiller sur la petite ; elle la verrait grandir, elle en donnerait des nouvelles au père, et un jour viendrait où il se ferait connaître à sa fille.