Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/14

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Saint-Ybars appela Stoval, et s’informa du prix que l’on demandait de Titia.

Le marchand, en guise de réponse, exécuta une longue phrase musicale en sifflant ; ce qui voulait dire en langage ordinaire :

« Oh ! ceci, Monsieur, est de la marchandise à prix élevé. »

Saint-Ybars lui lança un regard d’homme blessé au vif, et lui dit :

« S’il y a quelque chose au monde que j’abhorre, Monsieur, c’est d’entendre siffler. Vous n’êtes pas dans le secret de mes affaires ; vous ne pouvez savoir ce qui est cher ou ne l’est pas pour moi. Ce ne sont pas des réflexions que je vous demande ; je vous demande le prix de cette femme.

« Deux mille piastres, Monsieur, répondit Stoval du ton le plus respectueux. »

Une expression d’ironie et de mépris passa comme un nuage orageux sur les traits de Saint-Ybars. Il sourit amèrement, et dit d’une voix contenue mais mordante :

« Vos yankees tirent parti de tout. Cette femme à Boston passerait pour blanche : pourquoi ne l’y a-t-on pas fait venir, et ne lui a-t-on pas rendu sa liberté ? Non, elle vaut trop d’argent pour cela : la philanthropie de ces gens du nord ne va pas jusqu’à sacrifier deux mille piastres.

« Pardon, Monsieur, vous vous trompez, remarqua Stoval ; cette jeune femme ne fait pas partie de la succession Hawkins ; elle appartient à une famille du pays. On m’a chargé de la vendre pour éviter un grand malheur. Un des fils de la maison est devenu éperdument amoureux d’elle ; on a craint qu’il ne fit un coup de tête. On lui a fait entreprendre un voyage sous je ne sais quel prétexte ; on profite de son absence, pour faire disparaître sa dulcinée. Je crois, soit dit entre nous, qu’elle est… »

Stoval n’acheva pas sa phrase, ne sachant comment exprimer sa pensée sans blesser les oreilles délicates de la fille de Saint-Ybars. Du reste celui-ci qui venait de le regarder d’une manière peu faite pour l’encourager à poursuivre, lui dit :