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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/144

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CHAPITRE XXX

Vieumaite prédit la guerre civile



Vieumaite se mêlait aussi de prévoir l’avenir ; mais chez lui il n’y avait aucune prétention au don de prophétie. Il étudiait attentivement les faits contemporains, pour en déduire les conséquences dans leur succession logique. Dès le printemps de 1860, il annonça une guerre civile aux États-Unis, parce qu’il lui semblait impossible, vu les états au Sud et au Nord, pour qu’elle n’éclatât pas prochainement. Sentant l’orage venir, il prit ses précautions. Il engagea d’abord Pélasge à ne pas changer sa nationalité, et il mit à son nom la propriété qu’il s’était réservée pour ses vieux jours. Ce serait en cas de malheur, disait-il, autant de sauvé pour Démon et Chant d’Oisel. Pélasge avait des économies ; sur le conseil de Vieumaite, il les consacra à l’achat de la ferme qu’il avait, comme en se jouant, construite avec Démon et une escouade de négrillons.

Vers la fin de l’été, Vieumaite baissait visiblement ; après une existence presque séculaire, il allait s’éteindre comme un foyer dont le combustible est à sa fin. À sa dernière heure, son esprit brilla d’un éclat extraordinaire. Après avoir fait ses adieux à toute la famille, il fit venir Pélasge, et lui dit :

“Il n’y a que vous, sur cette habitation, qui conserviez votre sang-froid ; je puis parler avec raison avec vous seul. Le torrent de la passion emporte mon fils et mes petits-fils.