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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/145

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Les exaltés du Sud et les énergumènes du Nord vont compromettre cette grande république. La pendaison de John Brown est le défi que le Sud jette au Nord ; le glas que les églises de la Nouvelle-Angleterre ont sonné pour le supplicié est la réponse du Nord. Ici, l’ivresse de l’orgueil ; là-bas, la haine et le fanatisme. Ici, nous invoquons la souveraineté des États, mais ce que voulons c’est le maintien de l’esclavage ; là-bas, ils revendiquent les droits de l’humanité, mais ce qu’ils veulent c’est l’abaissement du Sud. Insensés ! on dirait qu’ils sont fatigués du bonheur que leur assure la paix. Le vertige de la gloire militaire trouble leurs cerveaux. La gloire militaire ! la folie du sang, la vieille monomanie dont l’humanité a tant de peine à se guérir.

Mon jeune ami, la guerre civile approche ! la guerre civile, le plus affreux de tous les maux.

Ô Sud, quel triste sort t’attend ! Vainqueur ou vaincu, ton malheur est certain. Vainqueur, tu traînes un boulet attaché à ton pied, l’esclavage. Ton ennemi, défait sur le champ de bataille, te poursuit sans trêve ni merci sur le terrain de la discussion. Vaincu, tes ateliers sont désorganisés ; la confiscation te saisit de ses serres impitoyables. Déchiré, dévoré comme Prométhée, que de temps il te faudra pour reprendre ta santé et tes forces ! Peut-être un demi-siècle.

Monsieur Pélasge, je meurs à temps. Mes yeux ne verront pas des choses qui les feraient pleurer. Étendez sur moi, je vous prie, mon vieux manteau de voyage ; il me servira de linceul.

Je veux être enterré sous le sachem, sans la moindre cérémonie. Mon père et ma mère voulurent être placés dans un tombeau ; je respectai leur volonté. La mienne est d’être couché dans un simple fossé ; qu’on la respecte. Vous êtes plus qu’un ami pour toute la famille ; vous en faites partie, en quelque sorte ; voyez, je vous prie, à ce que l’on m’enterre comme je le désire.

Quand vous écrirez à Démon, embrassez-le bien affectueusement pour moi.