Aller au contenu

Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

niches des chiens, tout fut rasé. On accusait les nègres de ces déprédations nocturnes ; mais ils renvoyaient l’accusation à certains blancs, qui, d’après leur dire, ne valaient pas mieux qu’eux.

La maison des anciens maîtres, malgré la présence de Mlle Pulchérie, fut attaquée à son tour par les voleurs. Le soleil, le vent, la poussière et la pluie commencèrent à y pénétrer librement, à mesure que les portes et les fenêtres étaient enlevées. Mlle Pulchérie fut obligée de déguerpir ; elle alla s’imposer à la sœur de Mme Saint-Ybars. Les planchers s’évanouirent, suivis des poteaux, des solives, des panneaux, des escaliers. Bientôt il ne resta plus que la carcasse en brique, semblable à une forteresse abandonnée après un siège. Les briques elles-mêmes furent emportées ; de la magnifique résidence des Saint-Ybars, on ne vit plus que quelques pans de mur du rez-de-chaussée, à l’ombre desquels vinrent se reposer de vieilles vaches errantes.

La sucrerie, avec toutes ses dépendances, ne fut pas mieux traitée. Les Fédéraux, voyant qu’an lieu de sucre ils avaient fabriqué une espèce de goudron, abandonnèrent les machines. Avant de s’en aller, ils vendirent les approvisionnements de toute sorte dont les magasins étaient bondés. Après leur départ, les bois et les briques de l’usine, des échopes, des hangars, des écuries, disparurent ; les machines à vapeur et les pièces de fer trop lourdes pour être enlevées en une nuit, furent laissées à leur place, exposée à l’action de l’air ; elles se couvrirent de rouille, et, au printemps suivant, leurs masses rouges furent submergées au milieu d’un désert de grandes herbes.