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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/147

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transformée en caserne. Mlle Pulchérie ayant déclaré, sous serment, qu’elle avait toujours été unioniste, eut le privilège de garder son appartement. Pélasge recueillit Mme Saint-Ybars, Chant-d’Oisel et Blanchette sous le toit de Vieumaite ; Mamrie et Lagniape les suivirent. Les belles-filles de Mme Saint-Ybars se réfugièrent dans leurs familles. Pélasge s’établit sur la ferme.

M. Héhé s’empressa de nouer des relations amicales avec les officiers fédéraux. Il mangeait, buvait et fumait avec eux, à cette même table où il avait tant de fois partagé les repas des anciens maîtres du logis. Il eut le triste courage d’assister au froid et systématique pillage, qui s’organisa dans la somptueuse demeure. Il vit sans indignation percer, à coups d’épée et de baïonnette, les portraits de famille qui ornaient le salon.

Les Fédéraux essayèrent vainement d’exploiter l’habitation pour leur propre compte. Les nègres se dispersèrent comme des soldats en déroute, pour vivre les uns de pêche ou de chasse, les autres de rapine ; ceux-ci pour prendre du service dans l’armée des États-Unis, ceux-là pour exercer leurs métiers dans les villes. Les jeunes négresses se hâtaient de descendre à Nouvelle-Orléans, où les attendait une vie de plaisir. Les fossés se comblèrent, l’herbe poussa partout. Les chevaux d’un escadron de chasseurs, lâchés dans le jardin, le ravagèrent ; les plus beaux arbres, écorcés par leur dent, se desséchèrent, et leurs squelettes silencieux, restés debout, servirent de perchoirs aux carancros.

Quand le détachement qui occupait l’habitation se transporta ailleurs, le travail de destruction qui avait commencé sur ce beau domaine, s’accéléra d’une manière fantastique. En une nuit toutes les barrières disparurent ; un matin, le toit de toutes les cabanes manquait. Presque chaque jour des ossements frais gisaient dans le camp ou dans la cour ; des bœufs, des vaches, des mulets, des moutons, des chèvres étaient égorgés et dépecés pendant la nuit. Le logement des domestiques, la cuisine, la salle de bal, l’hôpital, les écuries, la maison de l’économe, les cabanes des nègres, les poulaillers, les colombiers, tout jusqu’aux