Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/19

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Lagniape fut comblée de soins par les femmes qui l’entouraient ; elles l’emmenèrent dans une maison du voisinage, où on lui fit prendre quelque nourriture.

Le jeune étranger s’éloigna, plongé dans ses réflexions. Il marchait sans rien voir, sans rien entendre. Enfin il s’arrêta, et, comme quelqu’un qui sort d’un rêve :

« Ah ! ça, dit-il, où suis-je ? qu’avais-je donc à faire ? »

Alors, il se rappela qu’il était à la Nouvelle-Orléans, et qu’il avait à se rendre aux bureaux d’un journal. Il avait dépassé son but de beaucoup ; sur les indications d’un passant qu’il interrogea, il redescendit la rue du Camp, rentra dans la rue de Chartres, et enfin se présenta aux rédacteurs de l’Abeille.

« Vous arrivez à propos, lui dit la personne à qui il avait remis sa lettre de recommandation ; un de nos clients de la campagne nous donne, à l’instant même, un avis par lequel il demande un professeur ; il cause dans une autre pièce avec un de nos collègues : venez, je vous présenterai. »

Une minute après, le jeune français se trouvait en présence d’une personne qu’il reconnut immédiatement.

« M. Saint-Ybars, dit le journaliste, j’ai l’honneur de vous présenter M. Antony Pélasge, professeur, sorti de l’École normale de Paris. Je ne saurais mieux faire, pour vous donner une idée de ses capacités, que de vous prier de lire cette lettre qui m’est adressée par un de mes meilleurs amis d’Europe. »

Saint-Ybars salua courtoisement le jeune professeur, prit la lettre et lut. Après avoir lu, il salua de nouveau comme quelqu’un d’agréablement impressionné. En effet, la lettre était conçue dans les termes les plus honorables pour celui qu’elle recommandait.

Saint-Ybars prit Pélasge à part, et lui dit :

« Je crois, Monsieur, que je rencontre, en votre personne, le professeur dont j’ai besoin pour le dernier de mes fils. Vous le trouverez bien arriéré ! Je ne dois pas vous dissimuler que la difficulté qu’il éprouve à apprendre, est un de mes chagrins les plus sérieux. C’est une chose inconcevable, Monsieur : il a de l’esprit naturel, et pourtant il