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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/195

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« Je vous obéis, parrain, dit Blanchette en s’essuyant les yeux, je ne pleure plus.

« Je te le répète, reprit Démon en portant la main à son front, il y a là quelque chose qui me dit que je te reviendrai sain et sauf. »

Il la serra une dernière fois sur son cœur et partit.

Mamrie et Lagniape causaient tranquillement dans la cuisine ; elles n’eurent aucune connaissance des incidents de la soirée.

Quand M. des Assins apprit les conditions de Démon, il éclata de rire.

« L’imbécile ! s’écria-t-il, il a donc peur que je ne le manque à quarante pas ? Enfin, puisqu’il veut recevoir ma balle à vingt pas, servons-le à la distance qui lui plaît. »

M. des Assins était âgé d’une quarantaine d’années. Il avait une grande expérience du terrain, non seulement pour s’être battu souvent, mais aussi pour avoir été témoin ou simple spectateur dans tous les duels de sa paroisse depuis vingt-deux ans. Il avait une confiance illimitée dans son adresse et ses roueries. En préparant son fusil pour le lendemain, il dit à ses amis :

« Voici comment les choses se passeront. Ce grand flandrin, comme un novice qu’il est, n’aura qu’une pensée, tirer le premier. Il se dépêchera si bien de me tuer, dans sa peur de l’être, qu’il me manquera. D’abord, moi, je commencerai par lui troubler la vue et je lui donnerai un tremblement, en balançant mon fusil dès qu’on sera en position, comme ceci, regardez-bien, de haut en bas et de bas en haut, juste en suivant la ligne médiane de son corps. Cette manière de faire est un excellent truc ; elle m’a déjà réussi deux fois, je vous la recommande. Ce balancement a un effet étonnant ; votre adversaire se trouble, il tire sans viser, sa balle s’en va au diable ; vous, alors, vous visez à votre aise, et paf ! vous lui percez le cuir.

« C’est très bien, observa quelqu’un, mais tout ça suppose que tu aies affaire à un homme qui perde la tête facilement. Mais si ton adversaire garde son sang-froid,