tu cours une terrible chance en le laissant tirer le premier.
« Voilà justement la question, reprit des Assins ; votre adversaire gardera-t-il ou ne gardera-t-il pas son sang-froid Pardi ! si je me battais avec un vieux boscoïo comme toi, j’emploierais un autre truc. Ce muscadin de Saint-Ybars n’a jamais été sur le terrain, et quand, la première fois qu’on se bat, on a devant soi un homme de ma réputation, on a une venette d’enfer. »
La raisonnement de M. des Assins était spécieux ; Démon avait bien l’habitude des armes, mais il ne s’en était jamais servi que pour exercer son adresse, et par manière de divertissement. Il n’avait jamais pris pour cible un être vivant ; il ne se cachait pas pour dire qu’il avait horreur du tir au pigeon ; il désapprouvait même la chasse comme partie de plaisir, soutenant qu’elle n’est légitime que lorsqu’elle est nécessaire comme moyen d’existence.
« Ce des Assins, dit-il à Pélasge, est un être ignoble ; au lieu de s’en prendre à moi directement, il m’a insulté dans la personne d’une jeune fille qui ne lui a jamais donné le moindre motif de ressentiment contre elle. Il m’a pris en haine, je ne sais pourquoi ; il veut me tuer, c’est évident. Vous me connaissez, mon ami ; vous savez que je n’ôte pas la vie inutilement même à un insecte. Mais demain, en présence de cette bête féroce, je serai dans le cas de légitime défense. Croyant rendre service à la société aussi bien qu’à moi-même, je ferai de mon mieux pour tuer ce scélérat. Il a mis dans mon cœur une froide et implacable colère qui pourra bien lui porter malheur. Si c’est moi qui succombe, ma place m’attend sous le vieux sachem, à côté de mon grand-père. Donnez-moi, je vous prie, ce qu’il faut pour écrire. Je désire laisser à Blanchette le peu que je possède. Je vous la recommande ; protégez-la, rendez-la aussi heureuse qu’elle puisse l’être sans moi. »
Pélasge prit affectueusement la main de Démon, et dit :
« Vous n’avez pas de fâcheux pressentiment, n’est-ce pas ?