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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/211

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et de bonté dans la cabane de l’indien que dans les villes de l’homme civilisé. Tiens, écoute ces paroles désolées qui éclatèrent dès l’aurore de la civilisation, comme si elles étaient le cri naturel des sociétés naissantes ; écoute-les ! elles ont été redites de siècle en siècle, et à mon tour, après tant d’autres malheureux, je les répète pour mon propre compte :

— « Maudit le jour où je suis né ! Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein de ma mère ? Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée à un misérable, et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur ?…. Plût à Dieu que je fusse mort, et que personne ne m’eût jamais vu ! car je dormirais maintenant dans le silence, et je me reposerais dans mon sommeil. »

Après avoir prononcé ces lugubres paroles, Démon monta dans sa chambre ; Blanchette, toute consternée, se retira dans la sienne. Épuisez par les efforts qu’elle venait de faire dans la voie du sacrifice, elle tomba presque sans connaissance dans un fauteuil.


CHAPITRE XLVI

Le désespoir s’empare de Démon



Deux jours s’écoulèrent, pendant lesquels Blanchette éprouva la satisfaction amère que procure l’accomplissement d’un devoir pénible. Elle crut que le plus fort de son épreuve était fait. Mais en remarquant que la tristesse de Démon croissait sans interruption, elle sentit